Yazid Sabeg: «La France ne sait pas gérer sa diversité»
Mercredi 03/12/2008 | Posté par Nadia Moulaï
« Oui, nous pouvons », le manifeste pour l’égalité réelle lancé par Yazid Sabeg, le 9 novembre dernier renvoie à la victoire historique d’Obama. Président du conseil d’administration de CS*, l’une des plus importantes SSII** françaises, il préconise un « Grenelle de la diversité ». Le texte rencontre déjà un large écho auprès des politiques de tous bords. Nous lui avons posé 5 questions.
Vous êtes l’un des co-auteurs de la Charte de la diversité. Quatre ans après, vous lancez le manifeste pour l’égalité réelle. Visiblement rien n’a bougé ?
Non, je pense que le débat public en a été fortement nourri. Mais sur le plan concret, on n’y est pas encore. Il y a encore beaucoup de gens à convaincre. La question des discriminations en France est un vrai sujet de société complexe, massif mais réel. Ce pays a un vrai problème dans ce domaine. Quand on regarde les États-Unis, on se dit qu’ils nous ont infligé une leçon de démocratie représentative. Obama est issu d’une minorité, il a réuni autour de sa personne. C’est possible d’effacer sa couleur de peau au point que l’on mesure uniquement ses compétences. Il faut faire un rappel à l’ordre chez nous. En France, il faut mettre de la diversité dans l’économie, dans l’accès à l’éducation pas seulement dans les médias comme on l’entend souvent. Conduire une politique équitable en matière de diversité et les conditions se créeront d’elles-mêmes.
À propos du Plan Banlieue présenté en février dernier, vous parlez de « coquille vide ». Pourtant il est censé remédier aux maux des quartiers par des actions concrètes.
Il faut un débat public sur le sujet, relayé par un débat politique. Dans le Plan Banlieue, les moyens d’exception n’y figurent pas. Par exemple, il faut résoudre le financement de la rénovation urbaine, modifier l’offre éducative… Le Plan Banlieue n’est pas à la hauteur des enjeux et de l’ambition que l’on doit avoir.
Justement, que proposez-vous pour dynamiser l’économie dans les banlieues ?
Je défends des mesures volontaires. Je suis partisan d’un quota de jeunes en alternance obligatoires pour les entreprises. Appelez cela discrimination positive ou pas, peu importe. Ce ne sont que des mots. Il faut sortir de ces débats… Je suis pour la formation des jeunes. La Charte de la diversité doit se décliner autour de processus concrets. Il ne suffit pas la signer, il faut que l’État s’en mêle, que les syndicats s’en mêlent. J’entends parler du label diversité et il faut mettre en place des mesures, ne pas rester dans les initiatives. Assurer un suivi avec des processus qui transforment radicalement les comportements.
Vous êtes un chef d’entreprise engagé. Comment vous voient les patrons du CAC 40 ?
C’est vrai que mon engagement n’est pas celui des patrons du CAC 40. Il est ce qu’il est. Il faut faire preuve de conviction… On pense ce que l’on veut, je n’ai plus rien à démontrer…
Vous consacrez plusieurs soirées par mois à des réunions de quartiers. Pensez-vous que les pouvoirs publics prennent la réussite économique des quartiers suffisamment au sérieux ?
Je pense qu’il y a un potentiel économique dans les quartiers. Je crois au Small Business Act*** pour favoriser l’émergence des potentiels dans les quartiers. La France ne sait pas gérer sa diversité, pas parce qu’elle ne veut pas mais parce qu’elle ne sait vraiment pas. Elle doit prendre au sérieux ses potentiels. C’est une nécessité impérieuse sinon on va s’enfoncer dans une crise sociale insupportable.
Propos recueillis par Nadia Moulaï
* Communication et Systèmes
** Société de services en ingénierie informatique
*** À l’origine, une loi américaine qui vise à favoriser les PME dans le tissu économique national.
Signez la pétition http://www.france109.org/manifeste
Par Anonyme