M. Wauquiez, le statut d'auto-entrepreneur, c'est pas du flan?
Jeudi 04/02/2010 | Posté par Nadia Moulaï
Le secrétaire d'Etat à l'Emploi a accordé une interview au Bondy Blog, lundi soir à la veille du salon de l'entrepreneur.
Dans les quartiers, le chômage culmine à 17% de chômeurs contre 9,1% environ dans le reste du territoire. Pourquoi?
La première chose, c’est la discrimination à l’emploi. Quand on est originaire des quartiers, on n’a plus de mal à accéder à un emploi. Mon job consiste à éviter que les jeunes des quartiers paient l’addition. Il faut inverser la tendance. La mobilisation pour les ZUS, ce n’est pas une mobilisation gadget. Nous devons la tenir sur la durée. De septembre 2008 à septembre 2009, on a eu une hausse du chômage de 20% mais pour la première fois, le chômage dans les ZUS a légèrement reculé. Ce n’est pas faramineux mais au bout d’un an, on peut dire qu’il y a eu un changement. Depuis mai, on a eu 20000 jeunes en moins au chômage.
Ces chiffres ne prennent pas en compte tout le halo de l’emploi précaire…
Oui, c’est vrai. Mais, les emplois précaires existent depuis que ce pays est entré dans le chômage de masse, il y a 30 ans. Pour autant, nous avons mieux réussi à sauver l’emploi des jeunes et notamment dans les quartiers. Sur ce volet, les chiffres le confirment. On a constaté qu’en France un jeune diplômé met six ans, en moyenne, à décrocher son premier poste stable. En Allemagne, c’est deux fois moins. Ma conviction, c’est qu’en France, on fait des études trop théoriques. Si dans vos études, il n’y a pas de points de contacts avec l’entreprise, c’est un peu la machine à pistons qui joue après.
Les plans banlieues successifs ne semblent pas vraiment efficaces. N’est on pas davantage dans le bricolage voire le «marketing»?
On a tendance à réduire le volet emploi du Plan Banlieue, aux 20000 contrats d’autonomie. Or, il y a d’autres dispositifs comme l’apprentissage et l’alternance qui ne sont pas des voies de garage! Aujourd’hui, l’Essec a des filières par apprentissage. Vous vous formez en master 5 par apprentissage. Il faut arrêter les idées reçues sur l’apprentissage. C’est une fillière d’excellence. C’est aussi un vecteur de promotion sociale car l’apprentissage vous permet de payer vos études. La seule condition, c’est de s’accrocher.
Au fond, on se heurte au conservatisme très français…
En France, on pense que les seules «études belles», c’est quand on ne met pas les mains dans le camboui. Or, l’objectif des études c’est bien de trouver un job. Mais heureusement, en dix ans, l’image de l’apprentissage a beaucoup évolué.
Les entreprises qui adhèrent au Plan Banlieue sont principalement des sociétés qui embauchent des jeunes sans diplôme : agent de sécurité, employé d’un call center, agent de service. Vous semblez oublier les jeunes diplômés issus des quartiers?
Nous avons besoin de job d’entrée de gares. Il faut l’assumer car il y a des jeunes qui sortent du système sans qualifications. Il faut leur permettre de mettre le pied à l’étrier. Concernant les jeunes diplômés, il faut obliger les grandes entreprises à bouger. Sans compter, qu’en France, il y a le culte du cv et qui génère plein de discriminations. Nous nous sommes enfermés dans des pratiques RH qui font que l’on recrute des cv «papier idéal» et non pas des gens.
Concrètement, qu’est ce que vous faites?
Les méthodes de recrutement par simulation, j’y crois beaucoup. On aide les entreprises à recruter à condition qu’elle oublie le cv classique. On mise aussi beaucoup sur le cv video qui permet de montrer le jeune dans une posture positive, loin des fantasmes. Ce formidable outil permet de casser les barrières au premier entretien. On a aussi le cv anonyme…
Contrairement au cv vidéo, là on cache tout…
Oui car il faut l’attaquer par tous les bouts. Le cv anonyme permet de passer de dépasser les à-priori de la personne, regarder au-delà des lignes. Il n’y a pas de réponse unique. Je suis convaincu que l’on ne peut pas réussir contre les entreprises. Il faut les inciter à changer leur mode de raisonnement RH. L’objectif, ce n’est pas de faire une loi pour imposer les choses mais les amener à bouger plus profondément.
En attendant, certains jeunes diplômés s’expatrient chez nos voisins d’outre manche ou dans les pays du golfe. D’ailleurs, l’Ambassade du Qatar organise tous les mois un dîner pour attirer la matière grise française. Que comptez-vous faire pour arrêter cette fuite de cerveau?
Je pense qu’une expérience à l’étranger, c’est une bonne chose. Je suis allé signer un accord avec le Québec pour faciliter les passerelles pour les jeunes diplômés.
Sauf que dans leur cas, c’est souvent par défaut.
Effectivement, quand c’est par défaut, ce n’est pas bon. Si quelqu’un veut partir par choix, il faut le soutenir. En revenant, il apporte une nouvelle vision. C’est même un énorme coup de pouce dans un parcours!
En 2008, vous avez affirmé que les call canters étaient un formidable vivier d’emploi pour les quartiers. Or, ces entreprises se délocalisent en masse au Maghreb et en Asie où la main d’œuvre est bon marché. Vous ne pensez pas qu’il faudra plutôt développer d’autres secteurs comme celui de l’économie verte ?
Honnêtement, dans cette période de crise, on ne peut pas se permettre de trier entre les secteurs. Aujourd’hui, on a deux gisements d’emplois. Ce que j’appelle les emplois gris liés au vieillissement et les emplois verts. On a 20000 emplois verts directement disponibles sur le marché. Avec l’Afpa*, on a le projet de former 40000 emplois en positionnant des jeunes diplômés qui seraient en phase de recherche d’emploi. L’idée serait de leur proposer un cycle de formation court.
Tout cela demande de l’argent…
Ce qui coûte cher, c’est un demandeur d’emploi. Il faut l’indemniser, c’est de l’énergie perdue pour le pays. Le reste, c’est de l’investissement.
Tous les pays d’Europe ont fait cette réforme, il y a 10 ans. Nous avons lancé cette réforme à un moment difficile, en pleine crise avec 30% de gens supplémentaires à accompagner. Or, ce n’est pas facile. Pôle emploi, c’est 45000 agents, 2,5 millions de personnes suivies, 1500 antennes sur tout le territoire. Oui, ce n’est pas parfait mais n’oublions pas que c’est une réforme très difficile. En un an, les équipes ont entièrement fusionné leurs réseaux avec une présence renforcée dans les quartiers. Pôle emploi a permis d’unifier toutes les aides, une avancée pour une million de personnes.
Mais une partie de la contestation vient des agents
Oui, c’est vrai. Cela a été très dur pour eux. Je leur ai demandé de répondre à la crise et de faire Pôle emploi dans le même temps.
En 2010, 600 000 chômeurs arriveront en fin de droit. Vous avez dit récemment qu’il n’était pas judicieux de prolonger l’indemnisation, mais plutôt de les aider à rapidement trouver du travail. L’Etat ne peut il pas débloquer quelques milliards pour faire face à cette précarité, comme elle l’avait si bien fait pour répondre à la précarité des banques?
Pour rappel, les banques cela n’a rien coûté. Concernant les fins de droits, c’est un sujet qui touche chaque année 800000 personnes. On a différents types de cas de figures. Il faut concentrer nos efforts sur les demandeurs d’emploi de longue durée. Ne nous trompons pas de priorités. Le seul moyen de sortir quelqu’un par le haut, c’est de l’aider à trouver un emploi et surtout agir avant qu’il n’arrive en fin de droits. Lorsque la fin de droits approche, si le chômeur ne retrouve pas dans son domaine d’origine, on peut très bien mettre en place une formation rémunérée pour le requalifier vers un autre secteur. Il ne faut pas se réveiller après la fin de l’assurance chômage.
Sur la formation, beaucoup de personnes en fin de droits n’y ont pas accès pour des questions d’argent.
En 2010, nous comptons doubler les crédits à la formation en identifiant des filières comme le numérique, l’informatique ou les langues. Quand un demandeur d’emploi commencera une formation en fin de droits, il pourra aller au bout même au-delà de la durée d’indemnisation.
Un autre point important, ce sera le développement des aides à la mobilité. Un jeune qui n’a pas le permis de conduire ou pas de carte de transport, c’est une barrière majeure dans l’accès à l’emploi. Que ce soit dans les quartiers ou en zone rurale. L’objectif est de sortir d’une politique passive de l’emploi.
Parlons finance islamique. La France a du retard dans ce domaine alors que le Royaume Uni utilise cette finance depuis plus de dix ans. Le fond du problème, n’est ce pas l’Islam ?
Aujourd’hui, il y a une vraie volonté gouvernementale. Que Christine Lagarde assume le fait de vouloir développer la finance islamique, c’est une avancée. On a des règles juridiques très contraignantes donc à l’heure actuelle, il s’agit surtout de modalités juridiques pour rendre la finance islamique compatible avec notre droit. Au-delà de la finance islamique, c’est surtout un problème de fond. Notre droit est fondé sur une vision très universelle avec un citoyen abstrait. Il faut garder ce qu’il y a de mieux dans nos valeurs démocratiques en sachant un tout petit peu les dépoussiérer.
On se gargarise du succès de l’auto-entreprise, prés de 350 000 auto-entrepreneurs fin 2009. Néanmoins, on remarque que certaines entreprises préfèrent faire appel à un A.E plutôt que d’embaucher un salarié. N’est ce pas l’avènement d’un nouveau contrat de travail précaire?
Fondamentalement, l’auto-entrepreneuriat est un dispositif très positif. On a plutôt intérêt à aider la création d’entreprise. L’auto-entrepreneuriat permet de se lancer plus facilement et de voir si cela réagit surtout dans les quartiers où les démarches de création d’entreprise sont très fortes. C’est une façon de percer le plafond en créant soi même son activité. Il faut encourager l’auto-entrepreneuriat tout en contrôlant pour éviter les abus.
Nadia Moulaï
Afpa : Association nationale pour la formation professionnelle des adultes
Réactions des internautes
Samedi 8 Mai 2010, 15:32
Signaler un abus
Auto entrepreneur
Le nouveau statut d'auto entrepreneur a permis de simplifier les démarches entreprises de création d'entreprise.Franck de Quickcrea
Répondre -
Lundi 19 Septembre 2011, 19:53
Signaler un abus
Le statut d'autoentrepreneur a souvent été considéré comme un moyen pour faire baisser les stats du chomage... à voir...
Mais au final ca reste une bonne solution pour se lancer dans le monde de l'entreprenariat à moindre frais et risques. J'ai été parmi les premiers à m'inscrire et meme si j'ai eu quelques désillusions, au final je suis plutôt content de tout ce que j'ai appris et pu faire depuis que je me suis inscrit en auto entrepreneur ! C'est un statut intéressant et utile pour beaucoup de monde !
Répondre -