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Yacine Djaziri, un entrepreneur très social...

Mercredi 29/10/2008 | Posté par Nadia Moulaï

À Nanterre, Yacine Djaziri, 39 ans, est une figure bien connue. Son entreprise de BTP Azro, créée en 1998, est l’un des fleurons économiques de la ville. Mais pas seulement. Patron engagé, il fait rimer business et réinsertion sociale. Portrait d’un entrepreneur pas comme les autres

« Et toi que fais-tu pour l’humanité ? » Cette question de Sœur Emmanuelle, c’est le leitmotiv de Yacine Djaziri, entrepreneur social dans le BTP à Nanterre. Même s’il ne souffle mot de son chiffre d’affaire, on devine à travers son sourire contenté que les affaires sont plutôt florissantes.

Le business oui mais pas seulement. « J’ai toujours eu une fibre sociale », précise-t-il. Très vite, en parallèle de ses projets, il se tourne vers les publics fragiles. Refusant le fatalisme ambiant, il assume « le fait de faire de l’argent en menant des actions sociales. »

Pour lui, « la réinsertion, c’est le sas qui manquait entre les jeunes en difficulté et le monde du travail. » Son entreprise compte une douzaine de salariés. Presque tous ont des passés… pour ne pas dire des passifs. Anciens détenus, SDF, toxicomanes ou même jeunes délinquants qu’ils recrutent par le biais du bouche-à-oreille, son équipe est un concentré des problèmes de notre temps. Mais ça ne l’empêche pas d’honorer ses contrats. Lui qui ne compte pas ses heures, ne profitent plus de ses week-end, acquiert rapidement une crédibilité dans le métier.

Jonglant entre la voix du patron et celle du militant engagé, il rappelle qu’un seul critère de recrutement est important à ses yeux : la motivation. « Même si le mec a deux mains gauches, je lui fais confiance pourvu qu’il soit motivé » ajoute-t-il d’un ton sérieux. Il fait marcher l’ascenseur social. Car, si la DDTE, la Direction départementale du travail et de l’emploi, lui reverse l’équivalent de 3% de son budget pour employer cette main d’œuvre en réinsertion, Yacine y est encore de sa poche : « 3% c’est bien maigre. Quand on emploie un ancien alcoolique, ou un ex prisonnier, il n’est pas du tout rentable au début. Ce n’est pas qu’une question de formation, mais aussi d’encadrement. » Mais la question n’est pas là : « On est une entreprise citoyenne ou on ne l’est pas ! »

« J’ai embauché un jeune à l’époque qui dormait dans une cave. Il s’est accroché, aujourd’hui je le paie 2 000 euros et il a son appartement... On peut déplacer des montagnes à force de motivation », affirme-t-il plein d’enthousiasme. La motivation, il sait ce que c’est. Encore novice en BTP il y a dix ans, il pratique « l’autoformation », concept qui lui est cher. Cours du soir en Ingénierie du bâtiment puis en Droit, il met toutes les chances de son côté. Il parle même de sacrifice. N’est pas patron qui veut.

"La première année je n’avais aucun salaire, la deuxième j’étais au Smic mais ma famille m’a beaucoup encouragé », confesse t-il. Heureusement, ce grand gaillard de 1,85 m a de la ressource physique, et mentale surtout. Il saisit très vite l’intérêt, il le dit lui même, « de s’extraire du quartier, de compenser le manque de réseau par la réactivité ».

Entre deux appels d’un client, il raconte les débuts de son entreprise. « On a commencé en faisant quelques mètres de carrelage chez MacDonald’s, puis le Club Med Gym. On est entrés par la petite porte. » Et l’aventure prend vite. Les contrats s’enchaînent, la boîte se développe, le pari de la réinsertion devient réalité. Dix ans plus tard, Azro est l’une des entreprises de BTP les plus importantes de Nanterre. Ses ouvriers travaillent pour de grands groupes. Curieusement aucun client dans le public. Pas étonnant pour Yacine Djaziri, « les acteurs publics ne se donnent pas les moyens de la réinsertion ». Le mot revient très souvent dans sa bouche. Son implication dépasse le simple cadre du travail.

Régulièrement, il organise des sorties culturelles avec ses salariés. Théâtre, cinéma, concert, tout est bon pour la réinsertion. D’ailleurs, l’homme est un amateur de littérature. « La lecture m’a beaucoup aidé dans mon parcours pour développer un capital culturel et social » aime-t-il à rappeler. L’un de ses héros littéraires préférés, Rastignac pour son ambition... Étonnant, non ?

Nadia Moulaï -