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Voile sur l'entreprise

Lundi 16/02/2009 | Posté par Nadia Moulaï

Elles sont jeunes, diplômées et voilées. Fatima, Sabrya ou Aasma ont justement décidé de ne pas choisir entre une carrière à la hauteur de leurs diplômes et leur appartenance religieuse. Mais l’équation reste encore délicate...

À 22 ans, Fatima est une exception française. C’est voilée qu’elle se rend tous les matins dans l’agence immobilière du Perreux (Val-de-Marne) où elle est comptable locative. Étonnant quand on sait que la majorité des entreprises n’est pas très encline à recruter des filles voilées. Selon Benjamin Blavier, responsable du pôle diversité à l’IMS (IMS-Entreprendre pour la cité), « les managers ont l’impression que l’entreprise est un lieu laïc mais c’est une confusion. La loi sur la laïcité ne s’applique qu’au service public. »

Fatima est chanceuse. Mieux, elle commence sa carrière sur les chapeaux de roue ! Fraichement diplômée en comptabilité, la jeune femme vient déjà de signer un CDI. Et son voile est loin d’être un problème pour son employeur. Embauchée après la défection d’un des piliers de l’agence, Fatima doit vite faire ses preuves. Ça tombe bien la jeune femme est ambitieuse. « À la base, je suis curieuse et travailleuse. Petit à petit, j’ai rattrapé le retard accumulé par l’équipe. »

Très vite, sa chef lui confie des responsabilités. À tel point qu’aujourd’hui la jeune femme assure la comptabilité locative d’une centaine d’immeubles et de deux résidences hôtelières. Mais ne vous y trompez pas, le cas de Fatima est assez rare. Et elle le sait bien ! « Je suis privilégiée et sans l’ouverture d’esprit de la directrice d’agence, j’aurais fait du télémarketing comme la plupart des filles voilées en France », souligne-t-elle.

Comme Aasma, 25 ans, future ingénieure en mathématiques informatiques appliquées aux sciences, qui galère pour trouver un simple stage. « J’ai un entretien ce mardi prochain avec une boite d’informatique et j’avoue que je ne sais pas si je m’y rends voilée ou non ! », confie-t-elle, souriante malgré tout.

Pour Inès Dauvergne, responsable-projets à l’IMS, « la discrimination dont ces jeunes femmes sont victimes est une grande perte pour l’entreprise. » Il n’est donc pas faux de dire que les managers se privent d’un vivier de compétences. En cause, « l’interprétation caricaturale qu’ils se font du voile », précise Benjamin Blavier. Et d’ajouter que « s’il y a recrutement, c’est souvent sur des postes en bas niveau de qualification ou en back office ». Comme s’il fallait dissimuler ce type de salariés. D’ailleurs, on ne compte plus les femmes voilées et surdiplômées dans les métiers du télémarketing ou du ménage ! Travailler sans être vu des clients, c’est mieux…

On assiste donc en France à l’émergence d’une main d’œuvre qualifiée non utilisée. Et le phénomène risque encore de s’accentuer. Sabrya, 18 ans, ne dira pas le contraire. Elle devrait passer son baccalauréat en juin prochain. Même si elle hésite à se lancer dans la comptabilité financière, une chose est sûre… elle n’enlèvera pas son voile. Quitte à s’expatrier en Grande-Bretagne ou rejoindre un centre d’appels.

Pourtant, Benjamin Blavier reste optimiste : « À l’IMS, nous rappelons aux entreprises qu’elles ne doivent pas interférer dans les capacités d’un collaborateur à tenir un poste. » Et puis, aujourd’hui, elles ont toutes un responsable diversité. « À eux, de rappeler les termes de la loi sur la laïcité, de dire aux managers quand ils peuvent refuser un recrutement ou non et surtout de favoriser leur intégration interne. »

Même s’il n’existe pas de données sur la question, on suppose que bon nombre d’entreprises pratiquent une discrimination presque systématique. La nouveauté ? Une prise de conscience s’opère progressivement. D’après Inès Dauvergne, « des recruteurs nous sollicitent sur la question ne sachant que faire. Certains même embauchent des filles sur des postes d’ingénieurs. Les lignes bougent donc ! Pour autant, on n’en n’est pas encore à l’étalage dans la presse.

Nadia Moulaï

Nadia Moulaï -