Sur les rails d’un emploi
Jeudi 23/10/2008 | Posté par Elisa Mignot
2/2 Journée Recrutement SNCF. Le 8 octobre dernier, durant toute une journée, des centaines de candidats ont fait la queue pour passer un entretien ou déposer leur CV pour l’un des métiers de la SNCF. Elisa a assisté à l’entretien d’Abderrahim et Kristof
Devant un grand rideau noir, les candidats attendent pour passer un entretien à la suite duquel ils obtiendront peut-être le fameux « Bon pour un dossier » qui leur donnera accès aux prochaines étapes. Eux, contrairement à ceux qui déposent leur CV et viennent se renseigner, ont déjà été sélectionnés par des ANPE et des missions locales.
Abderrahim, 26 ans, postule pour être responsable d’équipe Conduite. Titulaire d’une Licence technique, il a déjà une première expérience à la Compagnie générale des Eaux. En ce moment, il est animateur dans un centre de loisirs de sa ville, Sevran. Costard noir en velours côtelé, Converse en cuir, petite chemise rayée, pochette d’où il sort prestement CV et lettre de motivation, Abderrahim fait les choses comme il faut. Il se voit déjà diriger une équipe de conducteurs d’ici un an. « Ah, vous allez être déçu, rétorque le chargé de recrutement, il faut apprendre le métier de conducteur, avoir de l’expérience… ça prend au moins 7 ans ! Ça coïncide toujours avec vos projets ? – Oui. Je sais que ça me plaît, répond Abderrahim. J’ai déjà eu une petite expérience dans une cabine de TGV, un Paris-Bruxelles… parce que, en fait, je me suis déjà présenté pour être conducteur. »
« Vous savez qu’on ne commence pas par les TGV, l’interrompt son interlocuteur. D’abord il y a les trains de banlieues, RER, TER... » Il marque une pause : « Si vous deviez ajouter quelque chose sur vous. Que diriez-vous ?– Je dirais que je suis parfait », dit Abderrahim sur le ton de la blague. Fausse note. Il se rattrape : « Je rigole, je suis dynamique, motivé, organisé... enfin si je devais parler de moi, je ne m’arrêterais pas jusqu’à demain. » Il obtient son « bon pour le dossier » et part le chercher à la table au fond de la tente, soulagé.
Kristof, lui, a 32 ans, 3 enfants et en a assez d’enchaîner les contrats d’intérims. À l’origine dessinateur industriel, il est aujourd’hui lui aussi animateur. Il vit à Arcueil. « Faut bien que je vive », dit-il un peu dépité. Son ambition est la même qu’Abderrahim : conducteur. Le chargé de recrutement commence par lui donner des conseils pour mieux présenter son CV qu’il trouve assez illisible, puis il enchaîne avec les contraintes du métier : une formation de près d’un an à Toulouse, le travail le dimanche, les jours fériés, le soir... Enfin il lui demande : « Je vois que vous avez trois enfants, je ne pense pas que vous allez tenir... je vous verrais mieux à la maintenance. »
Kristof est à fleur de peau mais il garde son calme : « Comment vous dire... Je suis prêt à me former, à apprendre un métier, à prendre un nouveau départ. Je m’arrangerai. – Je vous donne le bon parce que c’est l’égalité des chances, mais vous ne tiendrez sans doute pas », répond le cheminot. Kristof se contient. Il se force à sourire, le remercie et se lève.
Par Anonyme