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Sale coup pour les banlieues : les zones franches urbaines poignardées dans le dos

Lundi 24/11/2008 | Posté par Elisa Mignot

Le régime des ZFU a été modifié en douce la semaine dernière à l’Assemblée nationale. 45 000 entreprises sont concernées en France. Scandalisés, des chefs d’entreprises se mobilisent. Le Business Bondy Blog, lui, mène l’enquête et publiera, cet après-midi, un bilan de ces ZFU à l’efficacité parfois controversée.

À l’Assemblée Nationale, en ce moment, on vote matin, midi et soir. Les députés débattent sur les centaines d’articles proposés par le gouvernement dans le Projet de loi de finances pour 2009, autrement dit le budget de l’État pour l’année prochaine. Et quelle ne fut pas la surprise de Sylvie Durand, chef d’entreprise à Clichy-sous-Bois, quand elle découvrit dans une revue spécialisée qu’un article modifiant le régime d’exonération dont bénéficient les Zones franches urbaines (ZFU) avait été voté, en toute discrétion, la semaine dernière.

Sur les 26 ZFU franciliennes, près de 15 000 entreprises (plus de 45 000 dans toute la france et 130 000 employés) sont concernées par la réforme. Cette comptable, qui travaille elle-même dans une ZFU, a tout de suite imaginé les conséquences d’un changement aussi soudain. « Cette mesure va à l’encontre de tout ce que nous annonce le président de la République, s’insurge-t-elle, non seulement sur la conjoncture financière actuelle mais aussi sur le développement des banlieues en général. » Depuis plusieurs jours, elle a pris la tête d’un mouvement qui fédère des clubs d’entrepreneurs du 93, multiplie les courriers aux ministères et interpelle les élus de tous bords.

Depuis 1996, les ZFU sont des zones prioritaires dans lesquelles l’État a voulu relancer l’activité économique et favoriser l’emploi en accordant des avantages fiscaux aux entreprises qui s’y installaient. Si elles remplissent un certain nombre de critères – et notamment celui d’avoir plus d’un tiers de leurs salariés issus d’une zone urbaine sensible – pendant 5 ans, elles ne payent pas de charges telles que la taxe foncière, l’impôt sur le bénéfice et certaines charges sociales. Des allègements qui sont ensuite dégressifs d’année en année. « Un véritable pied à l’étrier », estime Sylvie Durand.

Pourtant, l’article voté à l’Assemblée Nationale modifie ce régime : « Au bout de ces 5 années, les exonérations s’arrêteront nettes », résume Victorin Gopkon, animateur d’une fédération francilienne d’entrepreneurs en zones urbaines sensibles, la Fifel ZUS. « Les chefs d’entreprises s’affolent. Ils n’avaient du tout prévu ça dans leur budget. Comment investir et embaucher dans ces conditions ? Sans compter le contexte économique… »

« S’installer dans des quartiers difficiles comporte certains risques, continue Claude Attias, président de la Fifel ZUS, si l’on enlève ces avantages, les entreprises installées – particulièrement les plus jeunes – seront en danger et les quartiers dans lesquelles elles se sont implantées également. » Lui qui travaille à Sevran-Beaudottes en sait quelque chose, la plupart des entreprises voisines ne se seraient jamais implantées sans incitations fiscales. Il faut bien compenser le manque de transports, la difficulté à trouver une main d’œuvre qualifiée ou encore les problèmes de sécurité, explique le président.

Cette diminution des exonérations ferait économiser 100 millions d’euros à l’État mais pour ces entrepreneurs, c’est un mauvais calcul. « Ils vont perdre bien plus si cet article n’est pas amendé, poursuit Claude Attias. Nous avons fait un petit sondage autour de nous et près de 30 % des gens risquent de fermer leur boîte dans les 5 prochaines années… sans compter les licenciements. »

« On leur a dit de faire des économies au gouvernement, alors un directeur de cabinet du fond de son bureau a dû penser aux ZFU, ironise-t-il, mais il ne faut pas oublier les banlieues au profit du national. La France est liée à ses banlieues, elles sont son vivier. » Et Victorin Gokpon de rappeler : « Une quinzaine de ZFU avaient été créées début 2006, juste après les émeutes. Une réponse aux violences urbaines, conclut-il, une preuve aussi qu’on savait que c’était efficace. »

Tous ces entrepreneurs ont interpellé les députés de leurs circonscriptions, parmi lesquels Eric Raoult (UMP) et Élisabeth Guigou (PS) qui ont promis de plaider leur cause auprès du gouvernement. La Chambre du Commerce et d’Industrie de Paris a déposé un amendement auprès du Sénat. Pour l’instant aucun résultat. Le débat au Sénat doit commencer à la fin du mois.

Par Elisa Mignot

Elisa Mignot -