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Quand les patrons recrutent en prison

Jeudi 11/12/2008 | Posté par Quand les patrons recrutent en prison

En mai 2008, un protocole, « Les Clés de l’avenir », a été signé par la ministre de la Justice, Rachida Dati, et le Medef, représenté par sa présidente, Laurence Parisot, afin de faciliter la réinsertion des détenus de courte peine. Par ce contrat moral le syndicat des patrons s’engage à solliciter son réseau d’entreprises pour que les détenus volontaires puissent se réinsérer par le travail. Le Medef 93 Ouest et la maison d’arrêt de Villepinte (93) ont tenté l’expérience

« On ne va pas les sortir de cellule pour les mettre dans une entreprise », lance Pascal Viguier pour bien faire comprendre que les détenus qui participeront à l’opération avec le Medef auront suivi un long processus d’évaluation et de formation. Salarié de GEPSA, une entreprise chargée de la gestion de l’établissement (nettoyage, restauration, maintenance etc.), le débonnaire Chef d’unité Privée de la maison de Villepinte a un œil sur tous les ateliers et détenus qui y travaillent. La formation relève aussi de sa responsabilité. « Les Clés de l’Avenir » à Villepinte, c’est son affaire.

Et il s’y connaît ! Car la réinsertion par le travail, GEPSA en a toujours fait, ou presque. Jusque-là, l’entreprise se débrouillait seule : elle avait ses employés-détenus, ses tuteurs, ses formateurs, ses partenaires entrepreneurs et centres de formation associés. « Ce protocole va nous faciliter les choses, reconnaît Pascal Viguier. Côté administration pénitentiaire, les remises de peine et les sorties nécessaires s’obtiendront moins difficilement. Côté entreprises, le Medef nous permettra d’étendre notre réseau et donnera la possibilité aux détenus d’accéder à d’autres entreprises, à d’autres métiers. » Raynald Rimbault, délégué général du Medef 93-Ouest, confirme : « Pour que cette opération soit pérenne, il faut que le réseau d’entreprises-partenaires s’étende. Et, nous, nous en avons un de réseau. En plus, poursuit-il, enthousiaste, il y a un manque criant de personnel dans un tas de domaines. C’est un vivier ! »

Par groupe de 20, les détenus volontaires vont suivre, pendant plusieurs mois, un processus d’évaluation et d’orientation – qui doit être régulièrement validé par le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation). Puis on leur accordera ou non un aménagement de peine qui leur permettra de suivre une formation ou d’être tout de suite employé s’ils ont déjà les compétences requises. Restauration, logistique, bâtiment, propreté, les secteurs d’embauche sont variés. Chacun d’entre eux bénéficiera d’un parcours personnalisé : semi-liberté, bracelet électronique ou suivi par une personne du SPIP, les aménagements de peine sont adaptés en fonction du dossier pénal et de la personnalité du détenu. GEPSA se charge ensuite de suivre pendant 6 mois ceux qui ont été embauchés. « La durée nécessaire pour voir s’ils se sont bien adaptés », précise Pascal Viguier.

Dans une maison d’arrêt telle que celle de Villepinte, cette formation est essentielle. « Ici particulièrement, mais c’est le cas aussi de pas mal de maisons d’arrêt d’Île-de-France, nous avons souvent à faire à une population qui a été déscolarisée très jeune, explique le Chef d’Unité privée. On doit leur donner des bases scolaires mais aussi les faire travailler leur présentation et leur comportement pour qu’ils soient employables. Il faut vraiment qu’ils soient motivés. »

Le rôle de Raynald Rimbault est alors d’expliquer tout le travail de GEPSA aux patrons de son réseau. « Ils doivent savoir que ces employés potentiels sont passés par de nombreux sas pour arriver jusqu’à l’emploi. Il faut qu’ils comprennent qu’ils n’auront pas à le faire eux-mêmes. » Le responsable du Medef 93-Ouest ajoute que c’est avant tout un engagement citoyen de la part de ces entreprises. « Elles n’y ont pas d’avantage financier, tient à préciser Pascal Viguier, les ex-détenus sont payés comme les autres salariés. »

Pourtant, les deux hommes concèdent que le monde de l’entreprise et le monde pénitentiaire s’ignorent. Du côté des détenus comme de celui des chefs d’entreprise, la méfiance n’est pas rare. « Ces univers ne se parlent pas ou si peu, constate Raynald Rimbault, c’est notre rôle de décloisonner, d’instaurer un dialogue constructif pour les deux parties. » « Aujourd’hui, il est plus facile d’intégrer un handicapé dans une entreprise qu’un ex-détenu », ajoute Pascal Viguier pour expliquer le problème d’image auquel ils sont confrontés.

Depuis la signature du protocole, il y a plus de 6 mois, les choses ont évolué lentement. L’instauration de ce dialogue et de méthodes de travail communes prend un certain temps. Depuis mai dernier, quatre anciens détenus ont intégré une entreprise dans le cadre de cette opération, mais, espère Raynald Rimbault, « Les Clés de l’avenir » devraient prendre plus d’ampleur en 2009.

Elisa Mignot

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