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«Nous sommes entrées dans une phase nouvelle de la crise économique comparable à celle de 1929»

Jeudi 03/12/2009 | Posté par Nadia Moulaï

Un tiers des habitants des zones urbaines sensibles (zus) vit sous le seuil de pauvreté en France. Les chiffres, publiés par l’Observatoire national des zus (onzus) dans son rapport annuel du 30 novembre, sont alarmants. William Ameri, directeur du Plie de Cergy-Pontoise (Val d’Oise) revient, pour le Business Bondy Blog, sur les conclusions de l’enquête. Le constat est plutôt inquiétant.
D’après le rapport de l'Onzus paru cette semaine,  près de 33 % des habitants des zones urbaines sensibles (zus) sont pauvres. Ce constat vous surprend t-il?
J’ai envie de dire oui et non. Oui parce qu’après la révolte des banlieues en 2005, il y a eu consensus sur la nécessité d’agir en profondeur sur la situation des habitants dans les zones urbaines sensibles (ZUS). Dans le respect du principe d’égalité républicaine, il s’agissait de se mobiliser pour que cela ne se renouvelle pas, en menant une action résolue pour réduire le chômage, la pauvreté, les discriminations qui touchaient plus fortement ces quartiers que le reste du territoire national.
Non parce que l’on sait que ce sont des quartiers ou les populations les plus défavorisés sont relégués, et que rien de sérieux n’a été fait ces dernières années pour s’attaquer aux inégalités, à la polarisation des richesses qui voient les plus pauvres s’appauvrir toujours plus et les plus riche s’enrichir toujours plus. Les mécanismes de relégation persistent et dans ce contexte, on ne voit pas ce que les politiques publiques comptent faire pour enrayer cette dynamique négative…
Les pouvoirs publics semblent dépassés…
Il est quand même préoccupant de savoir que le taux de pauvreté est trois fois plus élevé en zus que dans le reste du territoire national. Force est de constater que le fait que les populations d’origine étrangère soient surreprésentées dans ces mêmes quartiers semble susciter l’insensibilité d’une certaine élite politique, économique et même médiatique. Aujourd’hui, nous sommes dans un traitement purement sécuritaire des quartiers. On oublie que ce sont également des humains qui souffrent et qui galèrent pour la plupart.
33, 1 % des habitants des zus vivent sous le seuil de pauvreté. Le chiffre est en augmentation par rapport à 2006 (30,5%). Comment peut-on expliquer cette hausse de la pauvreté?
 
Sans remonter jusque dans les années 70, je dirais qu’il y a deux facteurs d’explication : le chômage de masse qui touche plus particulièrement ces quartiers du fait de la « faiblesse du capital scolaire » de ses habitants, de la discrimination lié à l’origine ethnique et la réduction des politiques sociales. Ces trois éléments se conjuguent et peuvent expliquer la hausse de la pauvreté en France en général, et particulièrement dans les zus où elle se concentre. D’ailleurs, les politiques sociales n’ont pu empêcher l’augmentation constante de la pauvreté, depuis 2000. Il y avait en 2007, 13, 4 % de pauvres en France, selon une étude de l’Insee. Depuis l’été 2008, nous sommes entrées dans une phase nouvelle de la crise économique dont l’ampleur est comparée à celle de 1929. Le rythme d’augmentation du chômage est sans précédent et les perspectives sont très alarmantes. La situation dans les quartiers populaires est explosive.
 
Concrètement, qu’est ce que cela induit ?
 
Concernant les principaux revenus monétaires qui irriguent ces quartiers, nous constatons que les minimas sociaux, les indemnités chômage, le salaire minimum ont été insuffisamment revalorisés ces dernières années, alors qu’ils sont un des principaux outils correctifs des inégalités de revenu. Or, le coût de la vie est en hausse. Si l’on n’augmente pas l’effort de solidarité, comment éviter que la pauvreté explose?
Par ailleurs, la dérégulation du marché du travail s’est traduite par une précarisation croissante des conditions d’emplois, avec la baisse des revenus qu’elle produit, entrainant une dégradation des conditions de vie, particulièrement dans les quartiers zus.
Concrètement, les mesures les plus simples qui produiraient un effet positif immédiat de réduction de la pauvreté sont ignorées au profit de plans « banlieues » qui manifestement se résume bien souvent à du théâtre médiatique.…
 
La crise est aussi un facteur d’explication ?
 
Pas vraiment. L’enquête de l’Onzus a démarré avant la crise…je n’ose imaginer la situation de désespérance de million de nos compatriotes.
 
Quel est le profil de l’habitant d’une zus en situation de pauvreté ?
 
Son profil n’est pas tellement différent que celui des quartiers hors zus. On trouve plus particulièrement des familles nombreuses et des familles monoparentales. Dans ce dernier cas de figure, les femmes sont à 95% le chef de famille. Quand on est une femme avec deux enfants et que l’on touche 1200 euros de salaire, on est sous le seuil de pauvreté. Et quand, je parle de 1200 euros, c’est de plus en plus rare avec l’emploi à temps partiel contraint. Quand aux jeunes hommes faiblement qualifiés, les chiffres du chômage sont astronomiques.
 
En termes de chômage et d’accès à l’emploi, quelle est la situation?
 
Les jeunes hommes sont plus touchés que les jeunes femmes. Ler taux de chômage culmine, pour eux, à plus de 40 %. Issus de familles ouvrières, ce sont souvent des personnes de bas niveaux de qualifications qui ne peuvent plus compter sur les emplois industriels comme débouchés professionnels du fait de la désindustrialisation et de la sélectivité croissante des recruteurs. Le chômage des diplômés est lui aussi problématique, car il démontre par la preuve que quoi que ces jeunes fassent le chômage serait le seul horizon que la société française est susceptible de leur offrir. Pour les femmes issues de ces quartiers, l’enquête de l’Onzus démontre une insertion professionnelle mieux réussie. Toutefois, j’insisterais sur le fait qu’elles occupent souvent des emplois dans le secteur de l’aide à la personne qui au regard de sa structuration par les pouvoirs publics reste une grande machine à produire de la pauvreté en emploi.
 
Pour conclure, 30 ans de politique de la ville n’ont finalement servi à rien ?
 
Non car si rien n’avait été fait, la situation serait encore plus dramatique. On ne peut pas parler de « ghetto » car les habitants de ces quartiers ne sont pas coupés du monde. Ils ont des liens avec l’extérieur, les services publics y sont présents. Ils peuvent accéder à l’espace public et beaucoup par leurs études (dans le supérieur de plus en plus) et leur énergie obtiennent une vie meilleure d’un point de vue matériel. Pour autant, deux points me semblent importants. Le premier élément relève du niveau de sécurité sociale. La revalorisation des minima sociaux, du smic et des revenus de remplacement en cas de chômage  est essentielle. Le second élément renvoie à l’accès à l’emploi des habitants des zus en s’appuyant sur des politiques de formation plus ambitieuse, par exemple.
 
 
Et puis dire que « 30 ans de politique de la ville n’ont servi rien », cela revient à dire que l’on donne « des milliards pour rien, à une population qui au final ne les mériterait pas ». Or, c’est faux, les montants engagés par l’Etat sont sans commune mesure avec les effets de polarisation sociale lié à la croissance des inégalités. Il faut que l’Etat se donne les moyens et s’engage dans une véritable politique de réduction des inégalités.
 
Nadia Moulaï

Nadia Moulaï -