Les zones franches urbaines : Bien, mais peut mieux faire
Lundi 24/11/2008 | Posté par Alexandra Turpin
Si le Rapport 2008 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles salue l’efficacité du dispositif, attention toutefois : même les zones franches n’échappent pas aux effets pervers ! Alexandra a mené l’enquête
Avant tout, une zone franche urbaine qu’est-ce que c’est ? C’est un quartier de plus de 8 500 habitants considéré comme particulièrement défavorisé. Les petites entreprises (moins de 50 salariés) qui s’y implantent ne paient pas d’impôts ni de charges sociales pendant cinq ans. Elles bénéficient ensuite de réductions pendant les années suivantes. À une condition : un employé sur trois doit venir de quartiers sensibles. Or, les entreprises se déplacent souvent avec leurs employés, mais ne recrutent pas sur place…
D’un point de vue statistique, les chiffres publiés mercredi dernier sont prometteurs. En 2004, 41 quartiers devenaient des zones franches. À l’époque, 12 272 entreprises étaient implantées dans ces secteurs. Trois ans plus tard, elles sont plus de 16 000. Dans ces mêmes zones, le taux de chômage est passé de 19,9 à 17,9% (1).
Certes, c’est toujours plus du double de la moyenne nationale, mais la baisse est encourageante. D’ailleurs, Christine Boutin, la ministre du Logement et de la Ville, n’a pas manqué de le souligner. « Cette année encore, les indicateurs reflètent l’amélioration tangible de la situation des quartiers. L’activité économique dans ceux-ci a été favorisée par la mise en place de dispositifs d’exonérations fiscales et de charges sociales. […] L’effet de rattrapage recherché est donc en bonne voie. »
À la mairie d’Argenteuil, la chargée de mission « Zones Franches Urbaines », Christilla Carot, est plus nuancée. Elle s’occupe de la ZFU du Val d’Argent, qui existe depuis quatre ans. « Il faut laisser du temps au dispositif pour que les conséquences se fassent sentir », précise-t-elle. Dans ce quartier, la zone franche a vraiment stimulé la création d’entreprises. « C’est très positif pour la vie du quartier. Quand les gens se lèvent le matin, ils voient des entreprises qui ouvrent. Cela renforce la culture du travail. »
Mais au niveau de l’emploi local, le bilan est plus mitigé. 95% (2) des entreprises ont moins de cinq salariés et 83% n’ont pas de salariés du tout. Les 17% restants peuvent rencontrer des difficultés à embaucher. « Il faut faire un travail de fond pour mettre en relation les entreprises avec les demandeurs d’emploi du quartier. Leur qualification ne correspond pas forcément, d’ailleurs souvent elle ne correspond pas, au poste proposé. Les zones franches doivent se coupler avec une politique de formation des habitants », note Christilla Carot.
En 2005, 86 emplois ont été créés sur la zone franche, et seulement 49 en 2007. Une des explications : le manque de place. « On reçoit énormément de demandes d’entreprises qui veulent s’installer tous les jours. Mais on ne peut pas répondre à toutes. C’est un quartier résidentiel, il n’y a pas beaucoup de locaux disponibles. »
Cet engouement pour les ZFU peut faire craindre que certains ne profitent un peu trop du système. Certaines entreprises se déplacent uniquement afin de bénéficier des avantages fiscaux. Elles ont, comme les autres, l’obligation d’embaucher un tiers de salariés venant de quartiers prioritaires. Mais si elles le faisaient déjà avant, leur déplacement en zone franche ne crée pas d’emploi. Il contribue, certes, au dynamisme du périmètre, mais à quel prix ?
Si l’opération est globalement positive, il faut noter que le dispositif a un coût : 557 millions d’euros en 2007 pour l’ensemble des ZFU (1), soit environ 537 126 SMIC.
Par Alexandra Turpin
(1) Rapport 2008 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles
(2) Comité de Pilotage, Zone Franche urbaine du Val d’Argent
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