Les banques classiques, ça existe encore au Sénégal
Jeudi 19/02/2009 | Posté par Alexander Knetig
TRANSFERT D’ARGENT 3/5. Les banques traditionnelles peuvent paraître un moyen plus sûrs et économiques pour les transfert d’argent, mais elles s’adressent essentiellement à une élite dont ne fait pas partie Albert Carera…
Les premiers à profiter du besoin d’argent rapide au Sénégal ont été les grandes multinationales de transfert d’argent. Puis les banques occidentales ont suivi. Mais leur attitude envers leurs clients les plus pauvres fleure parfois les vieux temps de la colonisation. Certes, pour certains clients sénégalais, ces banques offrent des avantages : si vous avez par exemple un compte en France à la Société Générale, la BNP ou au Crédit Agricole, vous pouvez faire des virements sur des comptes des succursales de ces banques – et cela à un coût dérisoire comparé au 10% de Western Union.
Cependant, ces initiatives bancaires franco-sénégalaises (tout comme des initiatives purement africaines telle Ecobank) sont clairement orientées vers la classe dirigeante et ne cherchent pas à concurrencer par leurs prestations les agences de transfert d’argent classiques. « Regardez un peu par la fenêtre. Nous offrons même des services Western Union », observe Alain Vincent, le vice-président du Crédita Agricole des Banques du Sénégal, assis derrière son bureau bien climatisé à Dakar. « Nos services de transfert spécialisés peuvent être une alternative pour nos clients, mais ils ne le sont certainement pas pour les clients traditionnels de Western Union. »
Son marché, c’est l’élite, pas des gens comme Albert Carera à Louga. « Nos clients ne sont pas les immigrants classiques qui vivent en Europe », rajoute M. Vincent en s’essuyant la sueur de son front. « Il s’agit plus de Français qui vivent au Sénégal ou de Sénégalais qui possèdent un certain… potentiel d’investissement. » Sa spécialité, c’est les crédits immobiliers « pour les riches » ainsi que des comptes « bons marchés » pour ceux qui veulent faire véhiculer de l’argent entre l’Europe et le Sénégal.
Lui, il voudrait bien rester en Afrique. « J’ai travaillé en Afrique pendant plus de 20 ans », se souvient-il. « D’abord le Sénégal, puis le Gabon. Il y a cinq ans, j’ai décidé de revenir à Dakar. » Lorsqu’il retourne en France, ce n’est que s’il y a une urgence. « J’ai tout ce dont j’ai besoin ici : des plages, des clopes pas chères, plaisante-il. Je ne retourne à Paris que lorsqu’il y a un problème avec la centrale. Mais cela arrive rarement, car nos clients sont sérieux. Nous n’en avons pas beaucoup, mais ils sont presque irréprochables. »
Après une courte pause qu’il utilise pour tirer longuement sur sa cigarette, il continue son explication. « Les temps sont au changement », affirme-t-il. « À l’époque du terrorisme global, il y a beaucoup plus de contrôles de sécurité. Vous devez comprendre : mes agents de comptabilité ne veulent pas se retrouver au bagne du Cap Marmelles. Vous y avez surement la plus belle vue sur la mer de toute l’Afrique occidentale, mais cela ne change rien au fait que vous êtes en prison. »
Il lâche un rire sec et tire à nouveau de façon voluptueuse sur sa cigarette. « Nous avons tout simplement besoin de plus de garanties, rajoute-t-il. Si vous avez du capital et que vous voulez des transactions sérieuses, demandez-nous. Si vous voulez de l’informel, demandez au Bana-Banas et aux Mourides. »
Albert Carera, quand à lui, sait bien que des gens comme lui ne pourront jamais se permettre un compte en banque. « Nous n’avons pas l’argent pour alimenter un tel compte. Pour nous, l’argent est là pour en vivre, pas pour économiser. Et surtout, nous ne pourrons jamais offrir les garanties dont les banquiers ont besoin. » Quelle autre alternative dès lors ? Les Mourides ?
Alexander Knetig
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Par Anonyme