« Le Plan banlieue, c’est du flan »
Vendredi 06/02/2009 | Posté par Romain Santamaria
PLAN BANLIEUE. Affichage médiatique ou simple idée, le Plan de Fadela Amara n’en finit pas de décevoir les premiers concernés. Après le 93 et le 95, le Business Bondy Blog est allé recueillir les impressions des jeunes des quartiers et des acteurs sociaux, dans les Hauts-de-Seine
« Un plan désespoir banlieue plutôt qu’un Plan Espoir Banlieue. » Ouali Samah est jeune – 19 ans – mais il ne mâche pas ses mots. À Nanterre, où il vit avec sa famille, il n’a pas vraiment vu les actions concrètes annoncées par Fadela Amara, le 22 janvier 2008. Alors, l’organisation aujourd’hui à Dreux de la deuxième étape du Plan Espoir banlieue le laisse perplexe. « Pourquoi faire une nouvelle édition quand on sait que les jeunes autour de moi ne savent même pas de quoi il s’agit ! »
Même s’il n’exprime aucun à priori vis-à-vis de la secrétaire d’État à la politique de la Ville, il est catégorique : « Le Plan banlieue, c’est du flan, juste un slogan », souffle t-il. Adhérent de Zy’Va, une association du Petit Nanterre dédiée aux jeunes du quartier, il avoue « flipper sur l’assoc’ ». La raison ? « Elle est ouverte sept jour sur sept, parfois des bénévoles partent à 23h pour aider un élève à finir un devoir de maths. Tout cela, c’est le travail de l’État. »
Car pour Ouali, les associations ont un rôle à jouer dans l’embellissement des banlieues. Et d’ajouter que la diminution des subventions allouées aux acteurs du terrain n’est pas normale. Encore plus quand on parle d’un « plan Marshall » pour les quartiers prioritaires. Il sait de quoi il parle. Avec un ami, il a monté une association de théâtre, « Moorad et Ouali » en 2008. Que ce soient Le Trévise, les Halles, le Marais à Paris et des MJC, la jeune troupe enchaîne les scènes. « Show, stand- up, on se produit déjà sur Paris en plus de donner des cours de théâtre aux enfants du quartier. »
Mais l’entrain de Ouali a des limites. Il souhaite se faire aider pour développer l’association. « Je me suis renseigné et mes interlocuteurs me disent que les financements, il n’y en a plus trop », déplore-t-il. « Aujourd’hui, les seules à donner de l’espoir dans les quartiers, ce sont les associations, les MJC », dit-il d’un ton résigné. Difficile alors de trouver l’espoir dans les yeux bruns du comédien en herbe. Pour autant, il a choisi de se prendre en main. Trente heures de cours – il passe le bac cette année – vingt heures à la pizzeria où il est serveur et parfois même les soirées à servir le narguilé dans une chicha.
« Je travaille, c’est super dur mais je ne veux pas dépendre de ma mère. » Alors quand on lui parle du plan de Fadela, il pense aux 600 000 euros qu’on aurait dépensé à Vaux-en-Velin, à ce qu’on lui a dit : « Au lieu des petits fours, donnez des emplois aux jeunes ! » Nous y revoilà, l’emploi, l’un des cœurs du problème.
Pourtant la Secrétaire d’État en a fait une priorité du Plan Espoirs Banlieue, avec notamment les contrats d’autonomie dont elle attend 45 000 emplois. D’après Zine Boukriche, président de Mission locale de Gennevilliers, « il n’apporte aucune garantie pour lutter contre la précarisation du travail des jeunes. Pire ! Avec ce plan, on est dans une politique d’affichage ». Toute la problématique ne réside pas seulement dans un simple retour à l’emploi.
« Un jeune sans qualification est pris en charge, ses besoins sont identifiés avant toute chose. » C’est le travail de la mission locale et c’est surtout le préalable à toute réinsertion durable. Or, avec le Plan Banlieue, les placements sont confiés à des opérateurs privés par le biais d’appels d’offres. Un jeune placé, c’est 7 500 euros pour l’opérateur. 25% à la signature, le reste par la suite. « Mais les acteurs de terrain, ce sont les missions locales. Un opérateur privé ne peut pas s’improviser mission locale », explique Michel Defremont, directeur de la Mission locale de Gennevilliers.
Et c’est là que le bât blesse. « C’est une forme de basculement des politiques publiques vers des opérateurs privés. » Du moins est-ce l’interprétation qu’en fait M. Defremont. D’autant que l’on assiste dans le même temps à la précarisation de l’emploi des jeunes. Selon lui, « au fil du temps la part des jeunes entrants en CDI ne cesse de décroître ». D’ailleurs à Gennevilliers, où 1 400 jeunes sont suivis à la Mission, ils sont de plus en plus nombreux à passer par la case intérim ou CDD.
Dans ce contexte difficile, les solutions proposées par Fadela Amara peuvent paraître inadaptées, voire « contreproductives » pour reprendre le terme de Michel Defremont. Car pour cet acteur du terrain, si « les plans passent nous, nous sommes toujours là… »
Par Anonyme