La finance islamique pour les nuls !
Jeudi 15/01/2009 | Posté par Nadia Hathroubi
La banque islamique, qui pèse près de 700 milliards de dollars dans le monde et progresse partout en Europe, reste inexistante en France, où vivent pourtant six millions de musulmans. Une situation en passe d’évoluer, grâce paradoxalement à la crise financière qui secoue les marchés boursiers. Même Christine Lagarde, ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, œuvre pour sa mise en place en France. Zoubaïr Ben Terdeyet, consultant en banque et fondateur de Isla-Invest Consulting, (premier cabinet de la Finance islamique en France) décortique avec nous ce nouveau phénomène à la mode.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la finance islamique?
Il s’agit d’un système financier qui s’appuie essentiellement sur la Sharia, ensemble de lois et de règles qui régissent en Islam la vie économique, sociale et politique.
Les principes de base de la finance islamique sont l’interdiction de l’intérêt (Riba), de la spéculation (Gharar), de l’incertitude (Mayssir) et du financement des activités illicites dites "Haram" tels que l’alcool, le tabac, le porc, les jeux de hasard, l’armement, etc.
En finance islamique, on met en avant la notion de partage des risques et des profits. La valeur travail est également très importante.
Il existe plusieurs instruments de financement qui se rapprochent des diverses structures juridiques que nous connaissons en occident.
Ces instruments sont par exemple la Moudaraba, Moucharaka, Murabaha, Ijara ou Bei’Salam dont vous trouverez facilement les définitions sur notre site Internet.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de la finance islamique, quelles sont les raisons cet essor ?
La finance islamique moderne existe depuis trente ans mais connaît un réel essor depuis quelques années seulement, en partie, à cause de l’envolée du prix du pétrole brut. Son développement est considérable au Moyen-Orient, en Malaisie et au Pakistan et de plus en plus en Afrique.
Une autre explication plausible est le renouveau de la pratique religieuse, les monarchies du Golfe auraient pu se contenter de placer à nouveaux leurs pétrodollars dans le système conventionnel comme cela avait été le cas durant les années 70.
Comment expliquez-vous le retard de la France en la matière ?
Les musulmans de France n’étaient demandeurs de tels produits car ils en ignoraient tout simplement l’existence. Originaire en majorité du Maghreb et d’Afrique de l’ouest, cette population n’a jamais connu de système financier islamique dans leur pays d’origine. Ce qui n’est pas le cas des musulmans de Grande-Bretagne, d’origine pakistanaise, bangladeshi et du golfe.
La nouvelle génération de franco-musulmans est par contre plus au fait. L’ouverture de l’Islamic Bank of Britain en 2004, en Angleterre, a démontré qu’il pouvait exister une alternative au système classique.
L’offre aurait pu créer la demande mais les banques françaises ont du mal à quantifier l’importance de ce marché et ne veulent se risquer à proposer des produits qu’on pourrait qualifier de « communautaire » et dans ce cas, entrer dans des débats sans fin…
Quant aux banquiers du Moyen-Orient, ils sont intéressés par le potentiel d’un tel marché (on estime au moins à 6 millions le nombre de musulmans), mais la réglementation française et tous les amalgames qui sont fait autour de l’Islam ne les encouragent guère à venir.
Faut-il être musulman pour bénéficier d’un tel financement ?
Non. La finance islamique s’adresse à tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs tels que le partage de profits, le refus de la spéculation, l’interdiction d’investir dans des secteurs tels que l’alcool, les jeux de hasards.
Y aura-t-il un impact pour les entrepreneurs ?
Les musulmans de l'hexagone sont de plus en plus nombreux à diriger leurs propres PME. Nombre d'entres eux s'interrogent sur leurs affaires en termes d'éthique. Quant aux jeunes entrepreneurs, ils sont souvent confrontés à des problèmes de financement et de trésorerie mais ne veulent pas s’endetter. C’est donc une alternative intéressante pour ces futurs chefs d’entreprises...
Nadia Hathroubi
Par Anonyme