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L’enjeu Obama : la diversité

Mardi 04/11/2008 | Posté par Joëlle Kuntz

Paul Krugman, Prix Nobel d’économie cette année, écrit dans son livre L’Amérique que nous voulons que le déficit de sécurité sociale caractéristique des États-Unis tient en grande partie au racisme: les Blancs n’ont jamais accepté de partager les bénéfices nationaux à égalité de droit avec les Noirs. Charité, assistance, oui, égalité de traitement, non. Les préjugés raciaux valent pour justification: les Noirs ne faisant pas les choses comme les Blancs, ils passent pour moins méritants.

Ce ne sont pas des considérations si particulières aux États-Unis. La Yougoslavie a éclaté pour le même genre de motifs, les « Blancs » (Slovènes, Croates...) ne voulant plus payer pour les « Noirs » (Albanais, Monténégrins, Macédoniens...). L’Italie du Nord rechigne elle aussi à se « sacrifier » pour celle du Sud, etc., les exemples abondent dans le monde. Or un pays est nation quand il assume sa diversité ethnique, culturelle, sociale non seulement par proclamation mais surtout par solidarité du porte-monnaie. Quand elles sont mutualisées économiquement, les différences changent de statut, se banalisent.

C’est tout l’enjeu de la candidature Obama. Il porte sur le symbole fort de l’élection d’un homme appartenant historiquement à la caste des exclus. Il porte ensuite sur l’espoir que, cette promotion accomplie, elle contribuera à pousser jusqu’au bout sa promesse implicite d’intégration sociale des Noirs et avec eux de toute la société.

Car si un Noir préside les États-Unis, il n’y aura plus d’échappatoire au fait qu’il égale définitivement un Blanc dans toutes les circonstances de la vie en société, devant le travail, l’impôt, la porte de l’immeuble, celle de l’hôpital et de l’école. Si les moyens normaux lui sont rendus de réaliser cette égalité, notamment par un accès naturel aux assurances sociales, la scène du crime changera et avec elle, sans doute, la légitimité douteuse de la peine de mort, si étroitement associée à la couleur de la peau.

La victoire de Barack Obama ne suffira pas à ce vaste chantier d’intégration, mais elle est le signe que les travaux peuvent commencer. Pour les autres pays du monde qui ne parviennent pas à devenir nations sous prétexte de leur diversité trop grande, c’est aussi un encouragement.

Par Joëlle Kuntz

Joëlle Kuntz est éditorialiste pour Le Temps (lien www.letemps.ch) à Genève. Ce texte est reproduit avec sa permission.

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