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«Je veux créer une classe moyenne issue de l’immigration»

Jeudi 20/11/2008 | Posté par Alexandra Turpin

L’intégration des minorités visibles en France, c’est le sujet médiatique du moment après la victoire de Barack Obama. C’est surtout l’engagement de Bruno Libert depuis une quinzaine d’années dans le Nord pas de Calais. Ancien PDG, il s’est reconverti dans le milieu associatif avec un seul crédo : l’efficacité

Avec l’association Alliances, qu’il a co-fondé, Bruno Libert organise des « groupes de dynamique d’embauche » : des jeunes diplômés au chômage sont conseillés dans leurs recherches. Deux fois par mois, ils sont accueillis par des chefs d’entreprises et des DRH. Un programme efficace : 80% des participants trouvent un travail dans les trois mois. « Ça n’a rien d’extraordinaire puisque ce sont des diplômés. Ils sont qualifiés, ils avaient juste plus de mal à trouver parce qu’ils s’appellent Mohamed et pas Bernard et qu’ils viennent d’un quartier sensible. »

Alliances agit aussi auprès des entreprises. L’association propose des « diagnostics diversité ». Ces tests gratuits sont faits au moyen d’un questionnaire. Ils permettent aux ressources humaines d’évaluer la diversité sociale de leurs effectifs. Alliances entend ainsi « positiver la diversité ». « Il ne faut pas limiter la diversité à la répression contre les discriminations. Il faut aussi rendre la diversité attractive », rappelle l’ancien PDG du Crédit Général Industriel.

Avant le chemin de l’entreprise, il y a celui de l’éducation. Bruno Libert participe aux écoles de la deuxième chance (pour les jeunes sans diplômes) et à UNICITES (qui propose un service civil volontaire). Avec l’association ARELI, Bruno Libert attribue des bourses à des bacheliers brillants. « Si on ne les aidait pas, ils auraient fait des études pour devenir infirmiers alors qu’ils avaient la qualité d’être médecin. On veut créer une classe moyenne issue de l’immigration pour harmoniser la société. »

S’occuper en priorité des descendants d’immigrés, ce n’est pas un choix courant. Aujourd’hui, les actions des pouvoirs publics se focalisent sur un quartier et non sur une population donnée : il y a des enfants d’immigrés qui ne grandissent pas dans des milieux défavorisés et des enfants en difficulté alors que leurs familles sont françaises depuis quinze générations. « Nous considérons que les jeunes issus de l’immigration ont des handicaps sur le plan culturel, physique, par leur quartier, par l’image qu’ils ont malgré eux. J’estime que ça fait des handicaps supplémentaires par rapport à un "Gaulois" du même quartier », rétorque Bruno Libert.

La discrimination positive, il est pour : « Je n’aime pas l’hypocrisie de l’État : l’égalité ! l’égalité ! même l’égalité de moyens face à des situations inégales. » Pour autant, il recommande la discrétion. Pas question, selon lui, de concours à part, comme à Sciences Po où les ZEP sont « marqués au fer rouge du concours facile ». Bruno Libert préfère les cours du soir, les tutorats pour que tous les étudiants passent les mêmes épreuves.

Devant tant d’actions menées par un seul homme, on se demande quelles sont ses motivations. Sa réponse, aussi modeste que Bruno Libert est engagé, tient en un mot : responsabilité. « Je suis un ancien chef d’entreprise. Dans cette région du Nord-Pas de Calais, le monde patronal a fait venir beaucoup de main d’œuvre peu qualifiée, issue de l’immigration. J’estime que nous avons de ce fait une responsabilité sociale. »

Responsable, Bruno Libert le revendique d’autant plus que le Nord-Pas de Calais ne bénéficie pas de toute l’attention médiatique et gouvernementale portée aux banlieues parisiennes. « Je considère que notre région est un peu isolée du reste de la France. Elle n’est pas aimée par Paris, il faut donc qu’on se débrouille par nous-mêmes. La situation est moins grave ici que dans la banlieue parisienne, parce que le phénomène de ghettoïsation est moins accentué. Et puis le dispositif associatif fonctionne. En revanche, il y a, à mon avis, davantage de racisme au quotidien qu’il peut y en avoir à Paris. »

Par Alexandra Turpin

Alexandra Turpin -