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« Il faut embaucher aux couleurs de la France »

Mercredi 04/02/2009 | Posté par Benoît Gilles

PLAN BANLIEUE. Le patron d’Axa, Claude Bébéar, et sa fondation IMS-Entreprendre pour la Cité faisaient étape à Marseille avec Fadela Amara dans le cadre du tour « Quartiers libres pour l’emploi ». Le temps d’une discussion avec des patrons décidés à embaucher dans les quartiers populaires

Ils sont tous d’accord : la situation est urgente. À Marseille, le chômage frappe plus lourdement qu’ailleurs les quartiers populaires. Et la crise qui s’annonce ne risque pas d’arranger les affaires. Ils sont une centaine de chefs d’entreprise a avoir fait le déplacement pour participer à cette dixième étape du tour de France « quartiers libres pour l’emploi », initié par Claude Bébéar, patron d’Axa et président de la Fondation IMS-Entreprendre pour la cité et Fadela Amara, secrétaire d’Etat déléguée à la Politique de la ville. Tous sont venus parler emploi et « diversité » ou comment faire entrer les enfants d’immigrés dans le grand bain économique. « Il faut commencer par ouvrir nos portes, estime Laurence Monrose, directrice générale de Kiasma. Et enfin casser la barrière entre le chef d’entreprise et le demandeur d’emploi. »

Fathia Ebrahiem a attendu 6 ans avant que cette porte s’ouvre. Dans ce débat, elle représente la « diversité » à elle toute seule. « Pendant ces longues années de chômage, franchement, j’ai vécu l’enfer. Je me disais qu’arriver à 51 ans, je n’allais jamais retravailler. Pourtant j’ai eu ma propre entreprise pendant 18 ans. Et depuis sept mois, c’est le bonheur. Je travaille dans un restaurant avec 140 couverts. » Fathia Ebrahiem a bénéficié d’un parrainage dans le cadre de l’opération « Entreprise citoyenne », mise en œuvre sur le périmètre Euroméditerranée, le nouveau quartier d’affaires censé tiré le développement de la ville.

Ce dispositif est l’une des nombreuses initiatives du patronat local en faveur de l’embauche des classes populaires. Rémi Bracq, directeur de secteur chez Manpower et vice-président du club Face Provence, enchérit : « Le témoignage de Fathia Ebrahiem donne raison à notre travail. Au club Face, nous avons également fait l’expérience avec vingt demandeurs d’emploi. On a tenté de leur donner les clefs culturelles du monde de l’entreprise. Et nous avons eu 90% de retour à l’emploi. »

À Marseille, il existe même un label, Empl’itude, qui certifie les sociétés qui embauchent dans les quartiers populaires. Dirigeant d’Allio, Christian Cortambert s’interroge : « Un de mes collaborateurs s’est étonné qu’on nous donne ce label ? Mais pourquoi nous donner un label alors que l’on fait quelque chose de normal ? C’est notre intérêt : on est une entreprise du BTP, on embauche des premiers niveaux de qualifications pour les faire évoluer, on agit pour la ville où l’on vit. Pourquoi on devrait recevoir un label, alors que c’est une pratique de bon sens ?»

Directrice générale d’EDF Paca, labélisée également, Nathalie Alexandre a la conviction que cette démarche « part aussi des tripes ». « Cela doit faire partie de notre culture d’entreprise et doit rejaillir sur la relation avec nos clients, nos fournisseurs, nos sous-traitants. Pour nous, c’est un booster de cohésion sociale. Ainsi, en partenariat avec l’école de la seconde chance, nous avons pris en charge 18 jeunes sans diplôme pour travailler sur notre plateforme clientèle. Et ils sortiront diplômés. »

Vice-président de l’UPE 13, Claude modère un peu l’enthousiasme général : « Je me félicite de cette énergie mais il faut regarder les chiffres : 10 ici, 15 là. Il faut changer de dimension, prendre la mesure de ce que l’on fait réellement et se demander comment faire plus. À force de dispositifs, on va épuiser nos forces sans être efficaces. On doit faire face à des clivages entre collectivités locales, des Zones franches menacées par la suppression des avantages… Il faut plus de cohésion si l’on veut enfin agir efficacement. »

Initiateur de cette rencontre, Claude Bébéar se pose en grand sage. Cela fait déjà dix villes qu’il traverse avec le même message. « Chaque territoire a ses spécificités. Mais il vous faut un leader. Quelqu’un qui mène la barque. À Besançon, ils sont 170 chefs d’entreprise à se voir tous les mois. C’est la preuve que ça marche. Car je suis persuadé que la solution passe par le local. Il faut partir de la base, sans grand baratin. La France est diverse, il faut embaucher aux couleurs de la France. Les quartiers sont plein de gens qui ont la gnac, qui sont déterminés. Notre avenir est là. Ce n’est pas une charge, c’est un enrichissement. »

Benoît Gilles

Prochaine étape du tour de France « Quartiers libres pour l’emploi », mercredi 4 février.

Benoît Gilles -