Ghania, ça vous gagne !
Vendredi 12/12/2008 | Posté par Nadia Moulaï
Aux jeunes qui pourraient se laisser impressionner par son ascension professionnelle, Ghania leur répond « tout est possible ». Expert-comptable et commissaire aux comptes, elle nous livre sa vision très personnelle de la réussite. Rencontre avec un anti-modèle
Inutile d’insister, Ghania, expert-comptable et commissaire aux comptes ne vous dira pas pour quel grand cabinet d’audit elle travaille. À 34 ans, ce petit bout de femme tient à l’affirmer, « ce n’est pas le nom de l’entreprise qui fait les compétences ». Certes, elle est fière de son ascension professionnelle mais c’est un détail. Sa réussite, elle la trouve ailleurs. « Être un élément de cohésion familiale plutôt que la star de sa boîte ».
Sa vocation de comptable, elle en prend très vite conscience. « J’ai toujours voulu être expert-comptable, je trouvais ça sympa un job où l’on aide le chef d’entreprise à la décision ». Pour y arriver, elle met toutes les chances de son côté. Elle entre en comptabilité comme on entre en religion. Huit ans d’études après le bac, « c’est long, on ne choisit pas cela par hasard », explique-t-elle. Sa carrière, elle la commence sur les chapeaux de roue. Trois ans de stage à un rythme effréné. « Je finissais à 1 heure, j’y passais mes week-ends » raconte-t-elle le sourire aux lèvres. Certaine que tout est possible, même quand on vient de Seine-Saint-Denis, elle casse les stéréotypes.
Originaire d’Aubervilliers, Ghania ne porte pas la banlieue sur ses épaules. Elle grandit dans une famille de commerçants entre quatre frères et sœurs. « Mes parents, attentifs à nos résultats, m’ont aidé et c’est une chance », confie-t- elle. De ce soutien, elle en tire une force de caractère, une joie de vivre aussi. D’ailleurs, ses collègues le lui répètent sans cesse : « Ghania ne change pas, reste souriante et spontanée ! » Mais sa bonne humeur, n’est pas réservée qu’à son équipe. Ghania s’implique comme bénévole. Chaque semaine, elle visite des personnes âgées, les accompagne dans leurs démarches administratives et surtout rompt leur isolement. Engagement citoyen ou simple don de soi, peu importe. L’important est de se rendre utile. « Depuis 15 ans, le peu de temps disponible, je le passe avec eux. »
Quand on lui demande si ses origines modestes l’ont à un moment handicapée, elle répond sans détour. Pas de raison de complexer. « À mon époque, on ne connaissait pas les écoles prestigieuses contrairement à d’autres dont les parents connaissent les ficelles. » Même si elle reconnaît qu’il n’y a pas d’égalité des chances, elle croit aux vertus du travail : « Il n’y a pas de secret, il faut bûcher. »
Sa détermination, c’est probablement une question d’époque : « J’appartiens à une génération de gamins qui croyaient encore à la réussite scolaire, aujourd’hui c’est différent. » Quand on lui parle de diversité, elle avoue d’emblée ne « pas avoir vraiment d’avis sur la question ». Pour elle, c’est plutôt un concept car tout se joue sur le terrain. La médiatisation à outrance, très peu pour elle. Sur ces questions de discrimination, son point de vue détonne avec celui répandu dans les médias : « Plus on médiatise, plus on donne l’impression d’un no man’s land dans les quartiers populaires, ce qui est faux », avance-t-elle avec conviction.
La force des quartiers, elle y croit. De bout en bout de la conversation, elle n’a de cesse de réitérer à la manière d’un slogan politique que « tout est possible ». Et comme elle n’a pas l’impression d’avoir accompli quelque chose de singulier, elle nous propose même de nous former à l’expertise. Quand on vous dit que tout est possible avec Ghania…
Nadia Moulaï
Par Anonyme