Entrepreneur de la contrefaçon
Lundi 12/01/2009 | Posté par Nadia Hathroubi
Fausses cigarettes, copies bon marchés de dvd, pâles imitations de sacs siglés, la contrefaçon menace des milliers d’emplois en France. Longtemps l’apanage de réseaux internationaux liés au grand banditisme et à la drogue, il existe aujourd’hui des contrefacteurs isolés qui travaillent à grande échelle avec des moyens limités. Grâce à plusieurs combines, ils arrosent de Vuitton, Gucci, Versace, leurs cités, les marchéset les quartiers touristiques … C’est le cas d’Aziz…
Des sacs Louis Vuitton à 50 €, des lunettes Dior à 30 €, des ceintures Gucci à 20 €, ce sont les prix pratiqués par Aziz pour écouler ses copies de modèles de luxe. Très bien informé, Aziz ne pratique jamais lui-même de vente à la sauvette : « Je sais que je risque pour vente illégale, et vente de contrefaçon au minimum trois ans de prison et 300 000€ d’amendes mais le biz en vaut la peine. » Il préfère donc utiliser une dizaine de sans-papiers, persuadé qu’il leur rend service : « Je suis réglo avec eux contrairement à d’autres. »
Sans diplôme, Aziz s’assure chaque mois un salaire de cadre supérieur. Il estime ses revenus mensuels à « 4 000 euros ». Une seule contrainte, d’incessants allers-retours entre la France et le Maroc et deux fois par an la Thaïlande. Une manière pour lui d’allier « l’utile à l’agréable ».
Parti, il y a 8 ans en vacances en Thaïlande, Aziz ramène en cadeaux à ses sœurs, des copies de sacs et lunettes siglées sans se douter que c’est illégal. Les copines de ses sœurs empruntant souvent ces sacs, il flaire le bon filon. Il fait le plein au Maroc et ramène en voiture une centaine d’accessoires griffés, les marques de luxe les plus en faveurs auprès des jeunes. Sa cible, les filles de sa cité. À 50 € la pièce, il écoule en quelques jours son stock et rafle un trésor de guerre qu’il s’emploie depuis à fructifier en continuant son lucratif business. Mais il restera discret sur son montant ainsi que ces arrangements pour faire entrer en France régulièrement des milliers de pièces.
« La contrefaçon et la piraterie représentent 10 % du commerce économique mondial, et en France, une entreprise sur deux se déclare victime de la contrefaçon », estime Marc-Antoine Jamet, Président de l’Union des Fabricants et Secrétaire Général de LVMH* qui a fait de la lutte anti-contrefaçon sa priorité. Cette perte représenterait selon le Comité national anti-contrefaçon (CNAC), 200 à 300 milliards d’euros.
Un chiffre qui n’émeut guère Aziz, qui n’hésite pas à se comparer à un chef d’entreprise : « Je gère des stocks, passe des commandes, rémunère mes vendeurs. » Sauf qu’il ne paie pas de charges salariales, d’impôts contribuant ainsi à la disparition de plusieurs milliers d’emplois. « 50 000 à 100 000 emplois sont supprimés chaque année en France. Plus grave, la contrefaçon est un obstacle à l’innovation et la création », insiste Marc-Antoine Jamet.
Ce n’est pas un hasard, si les destinations favorites d’Aziz sont le Maroc et la Thaïlande. L’Asie et le Maghreb constituent les premières régions productrices et arrosent toute l’Europe. Chaque année, près de 100 millions de contrefaçons y sont saisies. Six marques françaises figurent parmi les plus contrefaites, ce qui représente une perte de 6 milliards d’euros. Aucun secteur d’activité n’est épargné (médicaments, jouets, pièces de rechanges automobiles).
En réaction à cette constante augmentation, le Conseil des ministres des 27 a fixé en novembre dernier, un « plan européen global de lutte contre la contrefaçon et le piratage » pour la période 2009-2012. Il s’agit en premier lieu de mettre en place un observatoire européen, afin de permettre un échange de données entre les douanes des 27 pays concernés et de mutualiser les actions.
Depuis quelques années, les sites d’enchères sont devenus un moyen efficace pour écouler des copies. Les différentes marques estiment à plus de 90% le pourcentage d’articles contrefaits proposés sur ces sites. C’est le cas d’Aziz qui avoue opérer sous divers pseudos. De quoi amortir encore plus facilement ces voyages « d’affaires ».
Pour le moment, le jeune homme n’envisage aucunement une « reconversion » dans un business légal. Sauf peut-être quand il sera père de famille !
Nadia Hathroubi
Crédit photo : Douane française - Marc Bonodot
* groupe Louis Vuitton Moët Hennessy
Par Anonyme