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«En comptant les personnes en sous- emploi, on est à plus de 20% d’actifs chômeurs en France»

Mardi 13/10/2009 | Posté par Nadia Moulaï

Temps partiel, une première étape vers la précarité. William Ameri est directeur du Plie de Cergy- Pontoise (Val d’Oise), destiné aux personnes exclues du marché du travail. En prise directe avec le terrain, il rappelle que ni le temps partiel, ni l’intérim sont des solutions durables au chômage. Au contraire, ces formes atypiques d’emploi ne font qu’accentuer les disparités sociales. Interview.

William Ameri, Vous êtes directeur du PLIE de Cergy- Pontoise. Est-ce que le temps partiel, une forme d’emploi précaire selon vous, concerne beaucoup de personnes dans les quartiers ?

Oui, dans les quartiers, l’emploi à temps partiel est massif et il touche prioritairement les femmes. Le plus souvent, il est contraint pour les personnes en emploi précaire. Si la précarité de l’emploi s’est généralisée, Il ya une espèce d’assignation des habitants des quartiers à ce type d’emploi. Il faut dire que l’emploi précaire touche deux catégories, les jeunes et les bas niveaux de qualification. En ajoutant les personnes en sous-emploi, en particulier les temps partiels contraints et les petits boulots précaires qui n’occupent un poste qu’une partie de l’année, on arrive assez vie à plus de 20% des actifs chômeurs en France. Quand à la précarité de l’emploi (CDD, intérim, contrat aidé,…), elle touche prés d’un actif sur trois.

Soyons précis, quand parle-t-on d’emploi précaire?

Tout ce qui n’est pas un cdi à temps plein ou à temps partiel voulu est considéré comme un emploi précaire. Quand vous avez un emploi de six mois, si vous voulez être reconduit, vous allez vous impliquer…C’est le parcours du combattant. De fait, l’emploi précaire opère une sélection naturelle. Plus vous êtes doté en capital scolaire ou social, plus la probabilité que vous vous stabilisiez est forte. Avec un emploi précaire, la probabilité que vous vous écrasiez sur le plafond de verre de la précarité est très importante. Vous devenez un chômeur de longue durée, vous enchaînez l’intérim, les cdd. Les « plus forts » s’en sortent, les autres entrent dans un processus exclusion. Tout le monde n’a pas la chance d’accéder à un emploi de longue durée, de qualité. Il y a des gens exclus, d’emblée. Les jeunes des quartiers, les personnes handicapées, les femmes…Dès que vous avez ce stigmate, ca devient difficile…

Comment vous l’expliquez?

Cela renvoie à des mécanismes profonds. Ces formes atypiques d’emploi, l’intérim qui s’est beaucoup développé, le cdd, le temps partiel contraint, marquent des évolutions professionnelles qui renvoient à une mutation de l’appareil productif. Depuis la fin du cdi à vie, encore massive jusque dans les années 80, les conditions d’emploi se sont détériorées. Les entreprises ont beaucoup filialisé, délocalisé… L’Etat, aussi, a accompagné ces évolutions en favorisant l’emploi à temps partiel ou précaire. Regardez le nombre de lois votées dans ce sens. Cela traduit une tendance de fond qui a commencé il y a 30 ans. Les experts de la question parlent de « la crise de la société salariale ». D’ailleurs, elle ne touche pas que les quartiers mais toutes les catégories populaires…les jeunes des cités sont en plein dedans.

Et avec la crise actuelle, les choses ne vont pas en s’améliorant…

D’autant que ces formes atypiques d’emploi ne sont acceptées que pendant les périodes de chômage de masse. On prend ce qu’il y a. C’est l’une des faces du sous- emploi massif. D’ailleurs, on nous dit qu’il y a 9% de chômeurs en France. Mais il y a tout un halo autour du chômage. Depuis 20 ans, le nombre de chômeurs n’a jamais passé la barre des moins de 2 millions. On peut donc considérer qu’il y a 2 millions d’emplois manquants en France. Si on ajoute toutes ces formes d’emplois précaires, intérimaires, cdd, temps partiel, on arrive à 27% de Français en situation de précarité.

Quand Nicolas Sarkozy préconise aux jeunes de se lever tôt, il ne tient pas compte de ces réalités ?

Il se trompe. On veut laisser entendre que certains ne trouvent pas de job car ils n’ont pas le bon comportement. Il porte la casquette, parle mal…Les jeunes n’ont pas de boulot mais pas parce qu’ils se lèvent à 10 heures. Mais chez les bénéficiaires du RMI, maintenant RSA, on voit qu’ils acceptent des emplois extrêmement mal payés. Les gens font des efforts incroyables pour travailler. On a vu des gens aller plumer des poulets dans les Landes à 5 heures du matin! Les gens font des efforts pour trouver un poste et surtout le garder. 

Les politiques sont donc à côté de la plaque?

On essaie d’opposer ceux qui se lèvent tôt et les assistés…Or, avec la crise, il est difficile de décrocher un emploi, de le garder et cela pour tout le monde. Dire que ceux qui se lèvent tard sont condamnés à la relégation par leur faute, c’est une vision idéologique. En gros, le chômeur et l’exclu sont responsables de cette situation. Si cela fait 20 ans que le chômage ne baisse pas, c’est qu’il n’y a pas assez de boulot pour tout le monde. Ramener le chômage à une responsabilité individuelle, c’est un moyen de masquer le déséquilibre macro- économique de notre système.

Propos recueillis par Nadia Moulaï

Nadia Moulaï -