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Business social : la preuve par deux

Dimanche 02/11/2008 | Posté par Elisa Mignot

Portraits croisés d’un étudiant marocain d’HEC et de son filleul guinéen qui ont développé, au sein de l’association Entrepreneurs sans Frontières, un projet alternatif au transfert d’argent : l’achat en ligne de vivres

Aboubacar et Mounir forment un drôle de couple. L’un est grand, bavard, il a 38 ans et était ingénieur statisticien dans son pays, la Guinée-Conakry. L’autre est plus petit, presque timide, il a 25 ans et jusqu’à l’année dernière, il était étudiant à l’école de commerce HEC. Pourtant à les regarder discuter, une ressemblance saute aux yeux : ils ne cessent de parler avec leurs mains ; ils décrivent, ils miment... ils ne brassent pas de l’air, bien au contraire. Ils sont passionnés !

Tous les deux font partie des 6 binômes – un entrepreneur et un étudiant – choisis et suivis par l’association Entrepreneurs sans Frontières (ESF). Cette association accompagne chaque année 6 projets de créations d’entreprises ayant en commun le souci des enjeux sociaux et environnementaux.

« C’est du business social », explique Mounir qui, dès le début de ses études dans la finance, a su que cette dimension sociale serait essentielle dans son parcours. « On fait partie d’une nouvelle génération d’entrepreneurs pour qui la notion de retour sur investissement est évidemment importante. Mais elle doit se conjuguer avec un travail portant sur tout l’écosystème. » Marocain de Casablanca, depuis 8 ans en France, il dit n’avoir jamais manqué de rien, mais se rappelle la pauvreté de la région d’Oujda d’où sa famille est originaire et les sacrifices de son grand-père émigré en Belgique. Peut-être est-ce pour cela qu’il a été séduit par le projet d’Aboubacar.

L’idée de départ de cet ingénieur était de permettre à la diaspora guinéenne d’acheter des denrées alimentaires pour leurs familles restées au pays et de remédier ainsi à la crise alimentaire qui touche le pays. Parrainé par Mounir, il acquiert un savoir-faire, fait des rencontres, et reçoit tout ce qu’une grande école peut apporter. Aujourd’hui Aboubacar résume : « Au lieu d’envoyer 100 euros, les gens enverront 50 euros de riz et 50 euros en liquide. Ils commanderont sur notre site Internet E-Social Transfert, et leur famille sur place iront chercher le riz, munis d’un code secret, chez des commerçants associés. »

Il continue, intarissable, sur les marchés et les marchands guinéens, les organisations paysannes, son intermédiaire là-bas – « Un ami de 20 ans » –, la nécessité de gagner la confiance de tous, le partenariat avec une banque et les éventuelles extensions du projet aux médicaments ou fournitures scolaires et à d’autres pays africains. Mounir sourit.

Pour en arriver là, ils ont travaillé, comme les cinq autres binômes, de février à juin derniers. Pendant ces 4 mois, ils ont appris à se connaître, puis élaboré le projet, développé un business-plan et enfin présenté à des jurys le résultat de ce travail en duo. Aboubacar et Mounir se rappellent encore en riant les ateliers organisés par ESF, les jeux de stratégie, les longues heures passées sur Skype et les encouragements des jurés.

La méthode ESF a l’air de porter ses fruits, la complicité est évidente. Aboubacar est devenu « la bulle d’oxygène », de l’étudiant d’HEC ; Mounir, un vrai révélateur du projet de l’ingénieur guinéen. Pourtant, au début, Mounir ne croyait pas vraiment à l’idée d’Aboubacar. Il le dit volontiers aujourd’hui. La corruption, le manque de données chiffrées, les arnaques de toutes sortes... Le terrain africain était un peu accidenté pour s’engager dans un business. Du côté d’Aboubacar, rien n’était facile : il n’avait pas encore le statut de réfugié, et n’avait pas non plus trouvé son actuelle place de boulanger. Il avait juste une envie : aider son pays, « intervenir positivement », répète-t-il.

Aujourd’hui, Aboubacar a un business-plan solide entre les mains. Il a trouvé les financements pour lancer la phase-test de son projet sur un marché de Conakry. Il n’attend que sa carte de résident – qui n’arrive toujours pas – pour ouvrir un compte en banque et se lancer. Mounir a depuis terminé son master de développement durable, été à Harvard cet été et n’envisage plus désormais de ne pas travailler dans le business social. Il a proposé à Aboubacar d’être conseiller ou actionnaire de son entreprise. « Je ne pourrais plus travailler sur le projet, dit-il en s’excusant presque, sauf les week-ends ! »

Elisa Mignot -