Benoît Hamon : « Il y a de la corruption dans les marchés publics »
Mercredi 27/05/2009 | Posté par Nadia Moulaï
A l’invitation de la Nouvelle PME et du Bondy Blog, le candidat PS aux élections européennes a participé mardi à Nanterre à un dîner-débat avec des chefs d’entreprise des quartiers.
Le vieux Nanterre, mardi soir, au « Coin tranquille », un restaurant façon terroir. Plusieurs entrepreneurs des quartiers viennent assister au 2e dîner-débat organisé par la Nouvelle Pme et le Business Bondy Blog. Ce soir, c’est Benoît Hamon qui reçoit. 19h25, arrivée quasi inaperçue du candidat accompagné d’un membre de l’équipe de campagne. Pas de caméra, ni d’attroupement comme avec Dati, la fois dernière à Bondy. Et fait plutôt rare pour un personnage public, il est ponctuel. Presque trop. Il faut dire que la campagne des européennes n’intéresse pas grand-monde, pas moyen, donc, de se faire désirer.
Convivial et accessible, il serre la pince, discute, sourit, fait sa petite tournée de terrain. Dans la salle boisée, huit tables, remplies à moitié. Les convives ne sont pas encore installés. On se présente, on échange quelques cartes, l’heure est au networking. Rachid Aboulharjan, gérant de Fab voyages, une agence spécialisée dans le tourisme ethnique : « Je suis essentiellement là pour rencontrer des chefs d’entreprise. La politique gauche/droite, on ne maîtrise pas. Alors, l’Europe encore moins ! » lance-t-il plein de bonhomie.
Les participants sont invités à s’attabler. En cuisine, sur laquelle on a une vue discrète depuis la salle, on commence à s’agiter. Une quarantaine de personnes à servir entre deux questions, c’est autre chose qu’un service du midi. Le candidat est gentiment placé à la table principale. L’animateur entame la soirée en annonçant l’âge de Benoît Hamon. « Vous avez 42 ans… » « Oui, je suis jeune en politique. C’est l’avantage de la France, on est jeune longtemps », rétorque le député européen sortant, souriant, un brin provocateur. Rires dans la salle. Pour parler de la machine européenne et surtout du PS, vaut mieux détendre l’atmosphère. D’autant plus que le débat qui suit est plutôt de haut vol.
Le jeune loup du PS, qui a opté pour un tartare de saumon, raconte son parcours. « Je suis d’origine bretonne, avec Aubry, j’étais en charge des emplois jeunes », etc. On apprend que Benoît Hamon a travaillé pendant quatre ans à IPSOS, un institut de sondage privé. « C’était intéressant de voir cela, raconte-t-il. Je découvrais des exigences parfois contraires à mes convictions. »
Il en vient à son parcours européen. Le personnel du restaurant sert une entrée froide. « Révision stratégique du FMI », « révision du statut des paradis fiscaux dans l’UE ». « L’évasion fiscale dans l’UE, c’est 200 milliards d’euros alors que le budget européen, c’est 133 milliards », soupire-t-il. Dans la salle, silence et grande attention. Hamon connaît ses dossiers et surtout les rouages de la machine strasbourgeoise. Ses lourdeurs aussi. Ce sera l’occasion de louer le pragmatisme américain. « On peut dire ce que l’on veut. Quand les intérêts US sont menacés, ils se mettent en ligne, c’est impressionnant. »
Dans la salle, le concert des couverts qui s’entrechoquent a commencé. L’animateur, pris de compassion pour Hamon, lui propose de faire de même. C’est n’est pas de refus. Le problème des entreprises situées en territoires non éligibles aux Zones franches urbaines (ZFU) revient sur le tapis. « Mon inclinaison naturelle n’est pas de multiplier les dispositifs d’exonérations sociales. Pour moi, les ZFU ont un impact faible. » La réponse d’un entrepreneur ne se fait pas attendre. « Il y a des entreprises qui ne jouent pas le jeu. Moi, je paie 100% d’Ursaff, 100% de fonciers… Qu’est ce que vous proposez pour celles qui jouent le jeu ?! »
Entre deux bouchées, Hamon veut bien répondre. Mais l’animateur préfère additionner les questions. Rachid Bechtola, gérant de 1, 2, 3 intérim, interroge le candidat, 3e sur la liste PS en Ile-de-France, sur le Small Business Act : « On se fait prendre des marchés à l’étranger. Or, j’ai le sentiment que je peux plus facilement vendre du made in France en Afrique. » Le voisin de Bechtola, Adoum Peterman, demande le micro. Directeur associé d’une SSII, il enchaîne sur l’épineux dossier d’attribution des marchés publics : « Les collectivités ne jouent pas le jeu… », allusion à peine masquée à une corruption institutionnalisée.
L’animateur est un peu gêné par autant de pieds mis dans le plat, mais Benoît Hamon, lui, ne l’est pas du tout : « Je dis qu’il existe encore aujourd’hui en France, dans des proportions importantes des marchés captifs. Oui, il y a, à mon sens, de la corruption. » Surprise dans l’auditoire. Quelques-uns applaudissent, timidement.
Sabrina, créatrice d’entreprises, belle jeune femme, a monté sa boîte d’événementiel avec 800 euros. « A peine immatriculée, on me demande 6000 euros. Que proposez-vous pour sauvez les jeunes créateurs ? L’occasion pour Hamon de rebondir sur le sujet à la mode, la crise : « Justement, je pense que le système bancaire est archaïque. Il doit être transformé. » L’heure tourne, le dîner touche à sa fin. C’est une nouvelle étape qui commence pour le candidat, la campagne officielle. Et autant dire qu’il est loin de reconquérir son siège à Strasbourg. Si la liste PS fait moins de 17%, il pourra dire « ciao » au Parlement. En serait-il très triste ?
Nadia Moulaï
Par Anonyme